Les Chemi La philosophie d’Epicure est toute entière orientée vers la recherche du plaisir…Comment en finir avec la peur de la mort ?de la philosophie par Adèle V
La philosophie d’Epicure est toute entière orientée vers la recherche du plaisir… pourtant, elle questionne aussi la mort. Comment concilier ce qui semble inconciliable ? Comment en finir avec la peur de la mort ?
Est-il bien raisonnable d’avoir peur de la mort ?•
Crédits : George Peters – Getty
Dans sa Lettre à Ménécée, l’un des rares textes qu’il nous reste du philosophe Épicure, celui-ci écrit :
Le plus effroyable des maux, la mort, n’est rien pour nous, étant donné précisément que quand nous sommes, la mort n’est pas présente, et que quand la mort est présente, alors nous ne sommes pas…
L’invité du jour :
Pierre-Marie Morel, professeur d’Histoire de la philosophie ancienne à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
La mort n’est rien pour nous
Les épicuriens de l’Antiquité ont bien mesuré les effets dévastateurs et les effets d’amplification de la peur de la mort qui touche les individus et qui, en même temps, touchent les sociétés, les désorganisent et conduit à des paniques individuelles et collectives. Mais il est vrai aussi que la mort n’est rien pour nous, et le fait d’avoir peur de la mort est une chose, le fait de la réalité physique de la mort, pour nous, est autre chose. Et c’est cela qui peut nous donner à penser à partir d’Épicure, à partir de ce que nous éprouvons. Et paradoxalement, ce qui semble aussi subversif et inattendu dans la parole d’Épicure (cette idée que la mort n’est rien pour nous), est d’une absolue vérité à ses yeux.
Pierre-Marie Morel
Epicure et son rapport au temps
Ce que nous savons d’Epicure c’est qu’il a réfléchi à sa propre mort de manière concrète. Il ne s’est pas réfugié dans une insouciance du présent… Il a une réflexion très soutenue, complexe et subtile sur le temps, la rétention du passé, l’anticipation de l’avenir. Dans sa vie personnelle, il proclame que la mort n’est rien pour nous, mais en même temps, il anticipe sur ce qui se passera après sa propre mort, pour les siens et pour son école « Le Jardin ». Le testament qu’on a conservé de lui contient un grand nombre de dispositions sur la manière dont il faudra s’occuper des enfants, répartir les biens, et plus surprenant encore, Epicure recommande qu’on honore sa mémoire une fois par mois.
Pierre-Marie Morel
Vénérer Epicure pour mieux se préparer à la mort
On peut avoir du mal à comprendre que le même homme qui nous dit que la mort n’est rien pour nous et qui est fondamentalement matérialiste et ne croit pas à la survie de l’âme, recommande à ses disciples d’honorer sa mémoire au moins une fois par mois. La clé se trouve sans doute dans un mot qu’on a gardé de lui : « La vénération du sage est un bien non pas pour le sage, mais pour celui qui le vénère ». C’est à dire qu’il nous invite, après sa mort, à continuer à le vénérer non pas pour sa gloire personnelle, ce qui serait absolument vain et contradictoire avec la doctrine, mais le vénérer à notre bénéfice : vénérer Epicure et commémorer sa parole, l’excellence de sa vie, c’est une manière pour nous de prendre modèle sur lui, de nous pénétrer de sa doctrine et de nous préparer mieux à la mort et tout simplement de mieux vivre notre vie actuelle.
Pierre-Marie Morel
Textes lus par Georges Claisse :
- Extrait de Lettre à Ménécée, d’Epicure, dans les Lettres, maximes et autres textes, traduction de Pierre-Marie Morel, éditions Flammarion GF (avec la musique du générique de la série TV Six Feet Under)
- Extrait de Lettre à Hérodote, d’Epicure, dans les Lettres, maximes et autres textes, traduction de Pierre-Marie Morel, éditions Flammarion GF (avec une musique de Mozart)
- Extrait de De la nature, de rerum natura, de Lucrèce, chant VI, traduction José Kany-Turpin, éditions Flammarion GF (avec une musique de Roberto Gerhard)
- Réécouter Epicure… de rappel (2/4) : Est-il bien raisonnable d’avoir peur de la mort ?écouter (58 min)
https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/epicure-de-rappel-24-est-il-bien-raisonnable-davoir-peur-de-la-mort