A l’heure de son entrée en fonction comme Premier ministre, loin de moi l’idée de faire un procès d’intention à Sébastien Lecornu en qui chacun reconnaissait un excellent ministre des armées. Ce garçon, jeune, est d’ailleurs au-dessus de tout soupçon, après avoir été président du conseil départemental de l’Eure, maire de Vernon et plusieurs fois ministre. Un parcours sans faute, au-dessus de toute éloge.
Le voici donc aujourd’hui, à 39 ans chef du gouvernement pour une « mission impossible » comme dirait Tom Cruise, face à une Assemblée nationale ingouvernable et en devoir de faire voter un budget introuvable. Dans ces conditions, on a en envie de lui souhaiter bonne chance et surtout de lui dire « bon courage ! »
La question est ailleurs : tiendra-t-il six, neuf, douze mois avant d’être censuré ? Car censuré, il le sera à coup sûr. Des mots prononcés sur le perron de Matignon, dans un discours d’un peu plus de 2mn, on retiendra surtout la nécessité de « ruptures » et pas seulement dans la forme, mais sur le fond. Qu’entend-t-il par là ? Cela reste pour le moment encore énigmatique.
Rupture avec Macron ? c’est peu vraisemblable, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre les deux hommes, rupture sur les choix de son prédécesseur : abandon de la suppression des deux jours fériés, c’est possible, taxation des personnes les plus fortunées, c’est également envisageable. Une chose est certaine, en français les mots on un sens or la définition de rupture signifie une séparation brusque, inévitable, une interruption soudaine. Ce qui est vrai, c’est qu’il ne s’agit pas d’une rupture conventionnelle, ou amoureuse, pas plus que d’une rupture d’anévrisme, ou encore de la rupture d’une digue, alors quoi ?
Nous allons devoir patienter encore quelques jours pour avoir le fin mot de l’histoire. Ce qui est clair, en revanche, c’est que Sébastien Lecornu est la dernière cartouche, l’ultime fusible pour Emmanuel Macron qui paierait très cher l’échec de son Premier ministre. La disgrâce de celui-ci par les parlementaires ne lui offrirait en effet que deux alternatives : dissoudre l’AN ou démissionner, car toute tentative de destitution de la part de LFI est vouée à l’échec. Dans les deux cas, une situation plutôt piteuse pour le locataire à bail précaire de l’occupant de l’Élysée.
C’est pourquoi ces mots de « rupture » sont tellement importants, il en va de la survie de ce deuxième quinquennat, il vaut donc mieux que ce ne doit pas un pétard mouillé.
L’étymologie du nom Lecornu nous enseigne qu’il tire son origines Moyenâgeuse du latin « Cornu » qui vient de mari trompé, dérivé du sobriquet corne, cocu si vous préférez. Si tel devait être le cas Sébastien Le(Cornu) rejoindrait alors les nombreux français qui ont été trompés par Emmanuel Macron. Mince satisfaction en perspective.
Jean-Yves Duval, journaliste écrivain