Madiambal à la DSC hier : «S’il y avait quelqu’un qui aurait dû être entendu, ç’aurait été Amadou Bâ, le député de Pastef»

Le journaliste Madiambal Diagne, ancien Administrateur général du Groupe Avenir communication et président de l’Union internationale de la presse francophone (Upf), a été entendu hier par la Division spéciale de la cybersécurité (Dsc) suite à une auto-saisine du procureur de la République. Il est sorti libre de son audition, avant d’exprimer son incompréhension et de dénoncer une tentative de musellement.

Vêtu de blanc, il sort de la Division spéciale de la cybersécurité en sourire. Il est entré libre, il est ressorti libre, après une longue audition dans les locaux de la Dsc, située sur la Corniche-ouest de Dakar. Entendu sur un simple tweet, un commentaire public sur un propos public. Accompagné de ses avocats, il ne cache pas son étonnement à la suite de cette convocation après une auto-saisine du Parquet : «je n’aurais pas dû être convoqué.

Ma présence ici est inutile, on m’a fait perdre du temps», a déclaré Madiambal Diagne à la sortie de la Division spéciale. Pour lui, cette convocation n’avait pas de fondement solide. «S’il y avait quelqu’un qui aurait dû être entendu, ç’aurait été Amadou Bâ, le député de Pastef», ajoute-t-il.

Selon lui, les autorités cherchent à le faire taire. «Peut-être pour essayer de me réduire au silence, mais c’est peine perdue», tranche-t-il. Un ton ferme qu’il garde tout au long de son intervention. «Ceux qui s’aventurent à restreindre la liberté d’expression, ce n’est pas de leur ressort. Je vais continuer à donner mon avis sur tout ce qui se passe dans ce pays», prévient-il, tout en dénonçant un climat d’intimidation contre les voix critiques du pouvoir.

«Mais s’ils pensent que l’intimidation va faire en sorte que les gens se taisent, ils se trompent. Au contraire, cela va pousser les gens à plus s’indigner», ajoute-t-il, convaincu que «ce pays nous appartient tous. Et ceux qui gouvernent actuellement ont été élus par les citoyens». Face à cette épreuve, Madiambal Diagne a reçu un large soutien de la Société civile, de la presse, de la classe politique et de simples citoyens. Et il n’a pas manqué d’exprimer sa reconnaissance.

«Je tiens à remercier tous mes soutiens, parents, amis et confrères, au Sénégal comme à l’étranger. Un nouveau coup dans l’acharnement contre ma personne n’aura pas porté les fruits escomptés», a-t-il réagi sur X (ex-Twitter). Le journaliste a aussi salué la mobilisation de ses avocats. «Je remercie du fond du cœur Me Dior Diagne, Me Arona Basse, Me El Hadji Amadou Sall, Me Papa Sène et Me Baboucar Cissé.» Pour l’heure, Madiambal Diagne reste debout. Impertur-bable. Immuable. Inaudible… pour ceux qui espéraient le faire taire.

«Il a simplement repris des propos déjà tenus», selon ses avocats

Venu assister son client, Me El Hadji Amadou Sall a partagé sa stupeur face à cette convocation. «Mon client est une victime dans cette affaire. Bref, il a été entendu, il s’est expliqué. Nous espérons que ça va s’arrêter là, parce qu’au-delà, ça peut avoir d’autres conséquences», a expliqué Me El Hadji Amadou Sall, qui met en garde le procureur et le gouvernement. Pour l’avocat, l’absurdité est totale : «Il a été longuement interrogé sur une curiosité.

Une curiosité parce qu’il s’agissait d’un post qui reprenait simplement les propos qui ont été tenus par le député Amadou Bâ.» L’avocat s’est inquiété de l’évolution du système politique sénégalais. «Nous avons la désagréable sensation que les délits d’opinion sont devenus presque la panacée. Nous nous en étonnons et nous nous inquiétons», dit-il. Mais plus grave encore, il alerte : «Nous sommes en train de voir notre système démocratique se transformer en un système autoritaire.

Il est peut-être temps que les autorités reviennent à la raison, que les questions de liberté ne se règlent pas devant le pouvoir», a-t-il fait savoir. Pour Me Amadou Sall, le Sénégal ne peut s’isoler du regard du monde. «La Commission des droits de l’Homme des Nations unies s’interroge sur presque tout ce qui se fait dans notre pays. D’autres institutions internationales observent aussi. La Cour de justice de la Cedeao est saisie.

Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies est saisi sur les détentions arbitraires. Il est temps que l’on sache que le Sénégal n’est pas une exception par rapport au reste du monde. Il est temps qu’on arrête certaines dérives», a-t-il lancé.

Dans sa plaidoirie devant les médias, il rappelle que le Sénégal a longtemps été un exemple démocratique. «On ne réinvente pas la démocratie. On renforce la démocratie et on élargit les espaces de liberté. C’est ça aussi qui relève de la responsabilité de ceux qui nous gouvernent», explique-t-il, estimant qu’il y a dans ce pays, une régression très forte en ce qui concerne l’exercice de liberté.