Roy Cohn : L’avocat du diable-Philippe Corbé Éditeur : Bernard Grasset (le mentor de Trump)

« Un garçon mal dans sa peau et qui pense de façon aiguisée et tranchante. Il a tout appris à TRUMP.

Ne pas s’excuser; se dire qu’on va gagner même si on sait qu’on va perdre. Etre toujours triomphateur. Regardez comment agit TRUMP et vous aurez tout compris.

Trump à MANHATAN  dépossédait les noirs de leurs maisons, suivez mon regard. Que font certains américains ailleurs ? « Pape B CISSOKO

Philippe Corbé, correspondant de RTL aux États-Unis, consacre son dernier livre à Roy Cohn, l’avocat homosexuel qui a « tout appris à Donald Trump ». En voici des extraits choisis, en exclusivité pour TÊTU. 

On se souvient du dernier livre de Philippe Corbé, J’irai danser à Orlando, roman sensible sur la fusillade du Pulse, un club gay de Floride, le 12 juin 2016. Le correspondant de RTL aux Etats-Unis dresse cette fois le portrait de Roy Cohn, avocat qui organisa pour le président McCarthy la chasse aux homosexuels, avant d’amener ses amants dans les mondanités new-yorkaises. C’est à New-York aussi qu’il rencontrera Donald Trump, futur président des Etats-Unis. Et sans cette personnalité atypique, le locataire de la Maison Blanche ne serait probablement pas devenu le businessman – ni le chef d’Etat – qu’il est aujourd’hui.

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Dans « Roy Cohn, l’avocat du diable » (Grasset), à paraitre le 9 septembre en librairie, il développe l’histoire singulière de cet homme de droit redoutable, « cruel » et « retord » et développe la relation étonnante qu’il a entretenu avec le successeur de Barack Obama, qui dira de lui « Roy est mon meilleur ami ». Et livre, en exclusivité aux lecteurs de TÊTU, des extraits qui en disent long.

« Un homosexuel dans le placard »

« Roy Cohn, le camarade de soirées d’Andy Warhol et d’Estée Lauder, l’avocat de l’archevêché de New York comme des grandes familles de la mafia, d’Aristote Onassis, de Bianca Jagger et de la discothèque Studio 54 où il passe ses nuits, n’a pas un dollar sur ses comptes, ne paie ni ses factures ni ses impôts, mais roule en Rolls. C’est un homosexuel dans le placard et un Juif qui a honte d’être juif. Il est devenu après sa mort un personnage du chef-d’oeuvre de théâtre Angels in America, où il est qualifié d’ « étoile polaire du mal humain ». C’est ce maître en cynisme, en manipulations et en coups bas qui a pris sous son aile maléfique le jeune Trump. »

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Roy Cohn, l’avocat total

Philippe Corbé consacre une biographie passionnante à Roy Cohn, l’impitoyable avocat qui a fait Donald Trump et modelé l’Amérique moderne. 

 Par Charles Consigny

Le Point.fr

Malgré ses défauts et ses crimes, Roy Cohn était un avocat immense. Une figure du genre. C’est ce que l’on retient en refermant la biographie fine et très bien informée que lui consacre le journaliste Philippe Corbé (Roy Cohn, L’avocat du diableGrasset, 384 p.), qui paraît ces jours-ci. Roy Cohn débrouille toutes les situations, gagne presque tous les procès, obtient des sommes folles pour ses clients, décourage des reporters malveillants, fait censurer des livres, désigne lui-même les juges et les procureurs des affaires qu’il traite. C’est probablement l’avocat le plus romanesque des États-Unis, comme Jacques Vergès en France, même si les deux ne sont en rien comparables, sauf peut-être pour leur niveau atmosphérique de mauvaise foi et leur absence totale de scrupules. La biographie de Cohn aurait pu être titrée « Sans foi ni loi ».

C’est en même temps un personnage terriblement américain, et surtout new-yorkais, à la fois sombre et glamour, riche et mauvais payeur, show-off à l’excès, jetant de la poudre aux yeux d’un petit monde affamé de vanités, repoussant et outrepassant toutes les limites, flirtant avec la détention, la mafia, la mort. Il est fêtard, malhonnête, croqueur d’hommes, tellement lifté que certains décrivent les cicatrices encore sanglantes de ses opérations. Il roule en Rolls et demande à son chauffeur de ne pas s’arrêter aux feux rouges. Il se targue de ne pas payer d’impôts en faisant passer tous ses revenus et dépenses sur son cabinet, y compris son yacht qu’il coule probablement volontairement pour obtenir l’indemnité de l’assurance.

Artisan de l’élection de Ronald Reagan

Cohn a eu une influence considérable. Il est pour partie l’artisan de l’élection de Ronald Reagan, avec son compère Roger Stone, qui n’est pas pour rien dans celle de Donald Trump. Il dîne chez les Reagan pendant le mandat présidentiel. Il était proche de Richard Nixon. Il introduit Rupert Murdoch dans l’establishment américain. Et il fait Donald Trump, avec l’aide de la mafia dont on ignore la teneur exacte des services qu’elle rend mais à laquelle Trump surpaye le béton servant à construire sa tour mythique à New York. On apprend comment Cohn persuade le magazine Forbes de mentionner Trump, alors promoteur débutant, parmi les 400 premières fortunes des États-Unis, en mentant de manière éhontée sur les millions de dollars que le futur président feint de posséder alors qu’il n’en est rien. « Fake it to Make it » est leur devise.

Au même rythme qu’elle se trouve progressivement admise dans la société, Cohn assume peu à peu son homosexualité, jusqu’à ne plus vraiment s’en cacher. Et puis le sida apparaît et emporte son amant, avec lequel il se montre attentionné et prévenant jusqu’au bout, loin du diable qu’il a été tout au long de sa carrière. Trump, lui, envoie une facture pour la chambre d’hôtel occupée par le défunt dans ses derniers mois de vie. Cohn est malade et finalement terrassé, lui aussi, par ce qu’on appelle alors le « cancer gay ». Roy Cohn était un dur, un violent, un homme sans morale, un tueur. Le meilleur avocat de son temps.

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