Crise politique a Bamako, sécuritaire au nord, le Mali s’enfonce dans les sables

Des milliers de victimes à la suite des attaques répétées de djihadistes, violences intercommunautaires, impuissances de l’Etat, crise des services publics, corruption répandue, crise économique aggravée par l’épidémie de Covid, le Mali depuis plusieurs mois est confronté à une grave crise politique qui vient de se solder par un putsch militaire dans la capitale.

Un putsch qui, rappelons-le, succède déjà à un coup d’Etat, celui de 2012. A croire que ce pays n’est pas en mesure d’assumer une transition démocratique normale sans qu’il faille que les militaires s’en mêlent. Retenu prisonnier par ceux-ci le président Keita a annoncé publiquement sa démission et la dissolution de l’Assemblée nationale. Ainsi une crise constitutionnelle, une mutinerie viennent-ils compliquer encore un peu plus une situation déjà chaotique. De son côté la CEDEAO, dont le Mali est membre à réclamé la mise en œuvre de sanctions contre les putschistes alors que dans le même temps la communauté internationale, France comprise, dénonçaient la tentative de renversement du pouvoir. Rappelons que quelques cinq militaires français sont actuellement développés au Sahel et que le Mali est au centre du dispositif de la lutte anti-terroriste.

Ce pays vit, comme certains de ses voisins, le Burkina Faso, le Niger, etc. un terrible engrenage. Les actions terroristes dans la région appauvrissent son économie, en particulier le tourisme et par voie de conséquences la révolte gronde dans la rue et les mouvements de protestation sont de plus en plus nombreux de la part d’une population entraînée par des chefs religieux, au nom d’une certaine morale et éthique, et des opposants du M5-RFP à la politique du président Keita. Il y a un mois, le 10 juillet Bamako avait été la proie de troubles meurtriers les plus graves depuis le coup d’Etat de 2012. Déstabiliser un pays, politiquement, économiquement et socialement reste en effet le meilleur moyen pour le livrer aux mains des djihadistes qui pour en arriver là sapent ses fondements, ses institutions, par des actions terroristes.

Comme naguère en Indochine, la politique des dominos révèle ici toute son importance, qu’un pays de la zone sahélienne tombe, en l’occurrence le Mali, et ce sont tous ses voisins qui sont en périls. Livré aux actions meurtrières des islamistes fondamentalistes et à une opposition intérieure le Mali voit aujourd’hui, à nouveau, une page de son histoire en passe d’être réécrite. Avec tous les évènements en chaîne, insoupçonnables, qu’elle peut entraîner. Une élite usée, décrédibilisée, un imam, Dicko, qui flirte avec les islamistes et surfe sur toutes les frustrations, la mal-gouvernance, la gouvernance et qui est favorable au dialogue avec les djihadistes, le Mali offre tous les ingrédients d’une marmite au bord de l’explosion. Le danger qui guette désormais ce pays est que Dicko ouvre des négociations avec le leader d’Ansar Dine ou le chef de la katiba Macina « son grand frère ». Si celles-ci aboutissaient non seulement les institutions politiques laïques du Mali serait en danger mais toute la région serait menacée à un moment où la présence française est chaque jour un peu plus contestée par les populations usées par des années d’un conflit armé. La durée est ennemie de la présence de l’occupation d’armées étrangères, où que ce soit, le temps joue en sa défaveur. Ces populations n’attendent pas que des chars, des hélicoptères, des avions de chasse, elles veulent aussi avoir accès à l’eau, qui pour elles sont un besoin vital et quotidien. Au demeurant ces mêmes populations ne croient plus au pouvoir politique de Bamako au point qu’aujourd’hui seuls 21% des habitants du pays font encore confiance à la justice de leur pays, les autres faisant appel à des procédures « traditionnelles ».

Gagner la guerre est déjà difficile, on le voit bien, mais gagner la paix avec les populations est chose encore plus compliquée et il est à craindre que comme en Afghanistan le Sahel ne se transforme lui aussi en véritable bourbier, et que la France ne s’y enlise dans un conflit sans fin. Mais quel autre choix avant nous ? Notre présence militaire sur place, glaive contre les djihadistes, est aussi le meilleur bouclier pour protéger l’Europe de la montée du terrorisme islamique. Ainsi sommes-nous confrontés à un cruel dilemme à l’heure où les dirigeants politiques maliens doivent faire face à un nouveau coup d’Etat.

Jean-Yves Duval, Directeur d’Ichrono