CHEIKH ZAYED : LE PÈRE FONDATEUR DES ÉMIRATS ARABES UNIS-Un bâtisseur non intellectuel  mais pragmatique et ambitieux

«C’est lors d’un débat de Alain FOKA RFI que j’entends parler de ce bâtisseur qui n’était pas un intellectuel, mais un homme pragmatique avec des idées. Comme quoi, tout est possible aux gens motivés, ambitieux et qui n’ont pas de poils dans la main/Paresseux ou attentistes- On trouve des gens comme ça au Sénégal, les nanas ou mamans  benz en Cote d’Ivoire, etc. » P B CISSOKO.

Il existe des hommes et des femmes qui marquent de leur empreinte leur époque et leurs contemporains. Visionnaires où sages, parfois les deux, ils ou elles transforment ce qu’ils touchent et voient au delà de leur simple horizon. Cheikh Zayed fait partie de ces personnages. De part son histoire et sa personnalité, il a su laisser son empreinte dans le sable des bédouins et le marbre des puissants.

Né en 1918 à Al Ain, une oasis située à l’est de l’Emirat d’Abu Dhabi, Cheikh Zayed est le quatrième et dernier fils du Cheikh Sultan bin Zayed Al-Nahyan qui gouverna l’émirat d’Abu Dhabi entre 1922 et 1926. Sa famille, les Al Nahyan, règne depuis plusieurs siècles sur la région d’Abu Dhabi. L’éducation de Cheikh Zayed se fait entre l’école coranique et la vie dans le désert. Lorsque, agé de 30 ans il se voit confier par son grand frère Cheikh Chakhbut alors Emir d’Abu Dhabi la gestion d’Al Ain, Cheikh Zayed réaménage l’oasis et en développe le potentiel agricole.

C’est en 1953 que Cheikh Zayed découvre l’Europe et prend conscience de la nécessité de moderniser son pays. Une prise de conscience à l’exacte opposé de l’attitude et de la politique de son frère ainé Cheikh Chakhbut qui refuse tout changement. Et pourtant … grâce à la manne pétrolière l’Emirat est doté d’un excellent potentiel.  La famille régnante Al Nahyan décide alors de donner le pouvoir au jeune frère, porteur d’avenir. Un coup d’état qui marque une étape dans l’histoire de la région. Nous sommes alors en 1966.

 » Chaque individu doit accomplir son devoir. L’homme est mortel, mais son travail ne l’est pas. Par conséquent, le travail est plus grand que la richesse.  » Cheikh Zayed

L’histoire récente nous à démontré que pouvoir et pétrole ne sont pas forcément les garants d’une prospérité partagée. Et pourtant ! Le pétrole a été la clé de la modernisation et de la richesse des Emirats. Une fois à la tête de l’Emirat, Cheikh Zayed s’est imposé en leader unificateur, visionnaire et bienveillant. Il concentre son énergie à fédérer et unir les Emirats alors rivaux et dispersés. Cheikh Zayed a une vision et il met tout en oeuvre pour l’accomplir. La fédération des Emirats Arabes Unis voit finalement le jour le 2 décembre 1971. Elle regroupe Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Ajman, Umm al-Qaïwain et Fujairah. Cheikh Zayed en est élu président et, réélu, il le restera jusqu’a la fin de sa vie en 2004. Sa présidence sera alors consacré a mettre les richesses au service de son peuple : hôpitaux, écoles, infrastructures modernes, réserves naturelles …  A l’échelle internationale, sa politique moderne et modérée lui assure le respect. Ami de la France, Cheikh Zayed noua une véritable amitié avec les présidents François Mitterand et Jacques Chirac.

 » Une nation sans passé est une nation sans présent ni avenir.  » Cheikh Zayed

L’histoire de Cheikh Zayed est celle d’un homme de valeur(s). Ce sont ces valeurs qui l’ont guidé toute sa vie. Amoureux du désert, il y a appris la sagesse et le partage. Ouvert au monde, il y a appris le potentiel de la modernité, des sciences et de la technologie. C’est la que réside la force de Cheikh Zayed : avoir su concilier l’héritage bédouin et la modernité de son siècle. Pieux et modeste, il appréciait la frugalité et ne voyait pas en l’accumulation de richesse une vraie réussite. Musulman sincère, accomplir le bien était pour lui la vraie récompense.

 » Le souverain ne devrait pas avoir de barrière qui le sépare de son peuple.  » Cheikh Zayed

À la rencontre du fondateur des Émirats Arabes Unis …

 

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MOYEN ORIENT ET MONDE – LA SAGA DE L’ÉTÉ

#12 Cheikh Zayed, le Bédouin visionnaire

L’émir d’Abou Dhabi et fondateur des Émirats arabes unis laisse un pays politiquement stable, fondé sur le respect de la diversité et la spécificité de chaque entité.

OLJ / Par Antoine AJOURY , le 06 septembre 2017 à 00h00

Le 2 novembre 2004, cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, président des Émirats arabes unis et fondateur de la fédération, rend son dernier soupir. Lors de ses funérailles, le lendemain, de nombreux Émiratis exprimeront leur douleur et leur tristesse de perdre un leader qui leur a quasiment tout donné : un État, une identité, mais aussi et surtout la prospérité. Presque tous les dirigeants du monde arabo-musulman sont présents aux obsèques. Du Pakistan au Maroc, en passant par l’Irak, la Syrie et l’Égypte. Un hommage digne du parcours du défunt. Sa réputation de sagesse et la réussite de son modèle de développement ont fait, en quelques décennies seulement, des Émirats le pays le plus moderne de la péninsule Arabique et aussi le plus tolérant. Côté occidental, seul le président français Jacques Chirac fait le déplacement.
Cheikh Zayed a plus de 86 ans quand il décède, après une longue période de maladie. On ne connaît pas la date exacte de sa naissance. Elle se situe autour de 1918. Il est le dernier et quatrième fils de Sultan ben Zayed al-Nahyane, qui a gouverné l’émirat d’Abou Dhabi entre 1922 et 1926. Zayed est né à al-Aïn, une oasis située à une semaine à dos de chameau d’Abou Dhabi. Une région où régnaient à l’époque l’insécurité et les razzias des Bédouins.

On ne connaît pas grand-chose de son enfance, sinon qu’il a été initié à la fauconnerie et la chasse, deux passions de l’aristocratie Bédouine.
Ces années passées dans le désert ont façonné le caractère et la manière de penser du jeune Zayed. Pour lui, tous les Bédouins sont ses frères. Il comprend leur humour, leur souffrance. Zayed était analphabète. C’est sur le tard qu’il apprendra à lire et écrire. Mais personne ne sait, au juste, quand il a commencé à le faire.
À la mort de son père en 1928, c’est son grand frère Chakhbout qui lui succède à la tête de l’émirat d’Abou Dhabi, encore sous protectorat britannique.

 

Al-Aïn
En 1946, Zayed est nommé gouverneur d’al-Aïn. Il y règne en maître incontesté, et néanmoins populaire, depuis qu’il a mis fin à la désertification qui menaçait la palmeraie. Pour ce faire, il a engagé l’or de sa part d’héritage pour emprunter les sommes nécessaires à la rénovation du système d’irrigation dans le cadre d’un vaste projet d’aménagement. Il a, en outre, poussé les principaux propriétaires de l’eau à répartir l’accès à l’irrigation de manière plus équitable.

Cette réussite ne passe pas inaperçue chez ses voisins, notamment le sultanat d’Oman et l’Arabie saoudite qui convoitent cette terre fertile et prospère. Mais il déjoue habilement les manœuvres de ces pays qui cherchent à s’emparer, par la force, d’une partie de la région. Il sait notamment utiliser adroitement les troupes du protectorat britannique, sans avoir l’air de dépendre d’elles. Et, au final, il tire de cette petite guerre, qui se termine par un succès personnel, un grand prestige.
En 1953, il voyage pour la première fois en Grande-Bretagne et en France, accompagnant cheikh Chakhbout afin de négocier les concessions pétrolières. Ce déplacement en Europe lui ouvre les yeux sur le besoin urgent de modernisation de son pays.

Abou Dhabi, tout comme les émirats voisins appelés États de la trêve, n’avait pour ressources que les produits de la pêche et du commerce des perles. Mais l’émirat est devenu le plus grand producteur de pétrole de la Côte des pirates. Et Chakhbout, parmi les hommes les plus riches du monde.
Figure extrêmement pittoresque, ce dernier s’est rendu célèbre par son refus catégorique de moderniser l’émirat, son avarice et son aversion pour les billets de banque. Durant un certain temps, l’émir exigeait que les redevances du pétrole lui soient versées en pièces d’or. Ce n’est que lorsqu’il lui fut impossible d’accumuler encore plus d’or dans son palais que Chakhbout se résigna à confier sa fortune aux banques internationales.

Face à son obstination, la famille régnante cherche à l’écarter, mais Zayed hésite. Il se souvient de la promesse faite à sa mère qui a formellement interdit à ses fils de s’entre-tuer pour le pouvoir.
En 1968, le clan familial décide de demander à Chakhbout de se retirer pacifiquement, pour qu’il soit remplacé par son cadet. On lui offre une retraite digne, qu’il finira par accepter, grâce, dit-on aussi, à l’intervention des Britanniques.

La fédération
Résultat direct du désengagement de la Grande-Bretagne à l’est de Suez, Londres annonce le retrait des forces britanniques de l’émirat la même année. Zayed est pris de court. Malgré sa richesse potentielle, l’émirat est faible et convoité. Il ne peut pas compter uniquement sur lui-même pour se défendre, notamment face à des voisins plus puissants que lui, comme Oman, l’Iran et l’Arabie saoudite qui attendent le départ des Anglais pour prendre leur place.

C’est ainsi que cheikh Zayed imagine d’unifier les émirats. Historiquement, ces entités s’entre-déchiraient. Opposées les unes aux autres, elles n’ont jamais travaillé ou communiqué ensemble. Il n’y avait même pas une route qui les reliait, et leurs chefs ne se rendaient jamais visite.
Zayed s’épuise à courir chez les uns et les autres pour essayer de les convaincre, notamment son rival de toujours, le dirigeant de l’émirat de Dubaï, cheikh Rached al-Maktoum. À la longue, les deux hommes se révéleront complémentaires. Cheikh Zayed est le visionnaire, l’ambitieux; cheikh Rached est le pragmatique, l’homme des projets, du commerce ouvert.

Plus de deux ans de négociations ardues seront nécessaires pour aboutir à un accord : Zayed offre les revenus du pétrole d’Abou Dhabi à partager avec tous les autres émirats. À condition, toutefois, que chaque émirat œuvre à son propre développement. Le 2 décembre 1971, le nouvel État est né. Six émirats adhèrent d’abord à l’union : Abou Dhabi, Ajman, Dubaï, Charjah, Fujaïrah et Oum el-Qiwain. Cheikh Zayed est élu président de la fédération à laquelle se joint, deux mois plus tard, Ras el-Khaïma. Le Qatar et Bahreïn se sont retirés à la dernière minute.

L’émir a ainsi réussi à créer un pays qui n’existait pas. Mais c’est un État où tout est à construire. Pour ce faire, il met les richesses du pays au service de son peuple. Il investit dans l’infrastructure, les services hospitaliers et l’éducation. L’environnement est une de ses préoccupations majeures : des réserves naturelles sont formées et de nombreux arbres plantés afin de conserver un environnement naturel de qualité. Il sera appelé « l’homme qui a transformé le désert en espace vert ». Puisant sa philosophie et ses principes dans l’islam, il encourage dans le même temps la tolérance et le respect envers les autres religions. Une exception dans la région du Golfe

Les alliances
Sur le plan international, le président des Émirats veillera tout au long de son règne (1968-2004) à cultiver de précieuses alliances. Les États-Unis jouant la carte de l’Arabie saoudite, et le Royaume-Uni étant l’ancienne puissance coloniale, Zayed se tourne vers la France, qui deviendra un partenaire privilégié. Ses positions modérées lui vaudront le respect des dirigeants occidentaux. De Valéry Giscard d’Estaing à Jacques Chirac en passant par François Mitterrand, les présidents français fréquentent, et visiblement apprécient, la personnalité marquante du père des Émirats. Giscard dira de cheikh Zayed qu’il est « un homme qui respire le calme. Un conciliateur. Un observateur. Il est ouvert et réservé à la fois ». De son côté, François Mitterrand, qui n’a généralement pas trop d’estime pour les princes et rois capricieux, comme c’est le cas pour un bon nombre de dirigeants de la région, apprécie particulièrement Zayed. À Jacques Chirac, l’émir dit : « Nous n’avons pas d’amis plus proches que la France. » Il est vrai que Zayed est particulièrement touché par le coup d’éclat, devant les caméras, du président français en 1996 à Jérusalem-Est face aux soldats israéliens. Il est tellement sensible à cette scène qu’il se passe la vidéo en boucle.

Côté arabe, sa relation avec le roi Fayçal d’Arabie saoudite est des plus mauvaises. Toutes les tentatives de rapprochement entre les deux hommes échouent. Le monarque wahhabite considère que les tribus et les princes des Émirats sont de mauvaises herbes qui ont poussé sur ses plates-bandes et qu’il faudra bien arracher un jour. Zayed parvient néanmoins à entretenir des relations plus chaleureuses avec les successeurs de Fayçal. De même, le leader émirati réussit à amadouer son voisin du Sud, le sultan Qabous, assurant ainsi la sécurité de ses frontières. En ce qui concerne l’Iran, et malgré le litige bilatéral sur trois îles du Golfe, Zayed a de très bonnes relations personnelles avec le chah.

Sur le conflit israélo-palestinien, le président des Émirats sera toujours un allié fidèle de Yasser Arafat. Mais tout en appuyant fermement les revendications palestiniennes, il prône une solution fondée sur les résolutions de l’ONU et s’écarte des appels belliqueux de certains dirigeants arabes. Il sera ainsi le premier à tendre la main au président égyptien Anouar el-Sadate, après que ce dernier eut été mis au ban par les dirigeants arabes suite à la signature de l’accord de paix avec l’État hébreu. Aimant les métaphores, cheikh Zayed « disait de la guerre qu’elle est comme une botte de foin. C’est-à-dire qu’une fois qu’elle a commencé à rouler, elle emporte tout sur son passage », se rappelle l’ancien ambassadeur français à Abou Dhabi, François Gouyette.

Le Bédouin analphabète est devenu un chef d’État reconnu comme un homme sage, avisé et doté d’une vision pour son peuple. Il laisse ainsi un pays politiquement stable, dont le revenu par habitant est parmi les plus élevés de la planète. Revers de la médaille, la question de la démocratisation ne se pose pas avec autant d’acuité que dans les émirats voisins.

Culture de diversité
Son legs le plus important aura été de créer un État fondé sur la diversité et la pluralité. De ce point de vue, l’exemple des Émirats arabes unis est un succès notable et rarissime, non seulement dans la péninsule Arabique, mais aussi dans le monde arabe en général. Dans une région infestée de régimes autoritaires et où les notions de majorité et de minorité sont douloureusement vécues, les Émirats arabes unis proposent aujourd’hui une expérience réussie d’un État fédéral fondé sur le respect de la diversité.

Même un pays comme le Liban, qui se targue pourtant d’être un modèle de pluralité, a montré ses limites sur le plan de la gouvernance et de la gestion de cette pluralité, sans parler de pays comme la Syrie et l’Irak, où la diversité ethnico-religieuse a été longtemps opprimée par des régimes quasi totalitaires.
Certes, les problèmes au sein de la fédération existent, les rivalités aussi. La relation entre les différents cheikhs n’est pas sans nuages. Mais Zayed a réussi à créer une culture de dialogue et de négociation, qui permet toujours de recomposer les équilibres entre les émirats pour permettre au système de continuer à fonctionner, du moins jusqu’à aujourd’hui. Un vrai miracle dans la région.

Ils ont été parfois adulés, parfois controversés. Mais ils n’ont jamais laissé personne indifférent. Ils ont écrit, et littéralement façonné la destinée de leur pays ou de leur région. À l’époque, en ce XXe siècle, le Proche-Orient a vécu des chamboulements majeurs : chutes d’empires, guerres d’indépendance, créations d’États, révolutions, etc. Or, derrière ces événements, il y a des hommes qui ont marqué l’histoire. «L’Orient-Le Jour» en a choisi quinze. Leur(s) histoire(s), leur saga feront l’objet de portraits, à raison de cinq par semaine, pendant 3 semaines. Bonne lecture.

COMMENTAIRES (4)

Analphabète à ses débuts…mais il a su amener la prospérité et la stabilité aux Emirats qu’il a réunis. Chez nous, nos responsables sont souvent bardés de multiples diplômes…mais poussent notre pays lentement vers le néant…et le laissent ainsi aux prédateurs-usurpateurs qui attendent dans l’ombre…pour le donner à leurs Commanditaires à Téhéran et Damas ! Qu’est-ce qui est préférable pour l’avenir d’un pays…un Bédouin analphabète mais visionnaire capable et honnête…ou des responsables incapables, corrompus et sans autre vision que leurs bénéfices personnels ? Irène Saïd

Irene Said

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https://www.lorientlejour.com/article/1070974/12-cheikh-zayed-le-bedouin-visionnaire.html

Cheikh Zayed, un homme dans le siècle

Un portrait du fondateur des Emirats arabes unis, riche d’archives inédites (mardi 26 mai à 20 h 50, sur Arte).

Par Alain Constant

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Un portrait du fondateur des Emirats arabes unis, riche d’archives inédites (mardi 26 mai à 20 h 50, sur Arte).

François Mitterrand accueille son homologue de Emirats arabes unis, Cheikh Zayed Ben Sultan Al Nahyan, en septembre 1991, à l’Elysée, à Paris. DERRICK CEYRAC / AFP

Les grandes compagnies pétrolières ne sont pas seulement riches du point de vue financier. Elles disposent aussi d’archives visuelles exceptionnelles. Et l’un des mérites de Frédéric Mitterrand, auteur de ce documentaire consacré à Cheikh Zayed (1918-2004), personnage romanesque et visionnaire, fin diplomate et redoutable tacticien, ancien émir d’Abou Dhabi puis fondateur des Emirats arabes unis (EAU, 1971), est d’avoir eu l’idée de récolter ces archives. « Je me suis dit qu’elles faisaient forcément des documentaires pour leur personnel, déjà présent aux Emirats dans les années 1960. Et bingo ! Effectivement, ces entreprises avaient de vieilles archives. »

Ces archives inédites viennent enrichir ce film d’une heure et demie, embrassant une bonne partie de l’histoire politique, militaire et culturelle de la péninsule arabique au cours du XXe siècle. « L’idée de réaliser un documentaire sur ce personnage m’est venue en lisant, il y a plus de vingt-cinq ans, Le Désert des déserts, un très beau livre de l’explorateur britannique Wilfred Thesiger, qui a arpenté le monde arabe tout au long de sa vie. Il raconte sa rencontre dans les années 1940 avec le cheikh inconnu d’une oasis perdue, Al Ain. Quatre pages dans lesquelles Thesiger brosse un portrait extraordinaire de cet homme. Il s’agissait bien évidemment de Cheikh Zayed, bien avant qu’il ne devienne émir d’Abou Dhabi en 1966. Depuis, je suis resté marqué par cette description. Ensuite, je l’ai rencontré, de très loin, et j’ai été frappé par son charisme. »

Le pétrole, arme diplomatique

Plus de dix ans après la mort de Cheikh Zayed, l’Union des Emirats arabes unis a développé une identité propre, différente de celle du Koweït, du Qatar ou de Bahreïn, les autres monarchies du Golfe. Les nombreux témoignages recueillis retracent au plus près la trajectoire d’un homme à la fois conservateur, bâtisseur et stratège, dont l’ascension a débuté par… la mise à l’écart de son frère.

Sous le règne de Cheikh Chakhbout, en place depuis 1928, le modeste émirat d’Abou Dhabi ne représente pas grand-chose. En 1966, Zayed, simple gouverneur d’une oasis perdue (Al Ain), dépose son frère et fait entrer Abou Dhabi dans la modernité. Ses relations avec les autorités britanniques de l’époque sont bien décryptées, comme sa manière de faire du pétrole une arme diplomatique de premier ordre.

Zayed voit loin, ne brûle pas les étapes, ménage les susceptibilités. Son projet est d’unifier les émirats en un même pays, de manière à résister aux éventuelles attaques de pays voisins, dont l’Iran.

Pour cela, il lui faut convaincre le rival de toujours, à savoir le cheikh Rachid de Dubaï. Outre Abou Dhabi et Dubaï, cinq autres petits émirats feront partie des EAU, mais au dernier moment, Bahreïn et le Qatar déclineront l’invitation. Si l’on en croit le commentaire de Frédéric Mitterrand, la cohésion des EAU, nouvel Etat né le 2 décembre 1971, est assurée par la juste répartition des bénéfices du pétrole et la permanence du pouvoir de Zayed.

Tout au long de son règne, ce dernier veillera à développer son pays et à cultiver de précieuses alliances internationales. Les Etats-Unis jouant la carte de l’Arabie saoudite, Zayed se tourne vers le Royaume-Uni mais surtout vers la France, qui deviendra un partenaire privilégié. De Giscard à Chirac en passant par (François) Mitterrand, les responsables politiques français ont fréquenté et visiblement apprécié la personnalité marquante de l’homme du désert.

Cheikh Zayed, une légende arabe,de Frédéric Mitterrand (France, 2014, 92 minutes). Mardi 26 mai à 20 h 50, sur Arte.

Alain Constant

https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/05/26/cheikh-zayed-un-homme-dans-le-siecle_4640548_1655027.html